Le casque de son baladeur cassette sony sur les oreilles, Godric écumait les rues de Los Angeles depuis qu’il avait laissé les Night Creepers avec lesquels il avait passé la nuit. Malgré la fatigue qui se lisait sur les traits tirés du jeune homme, ce dernier n’avait pas ressenti le désir de rentrer chez lui. Bien au contraire, le brun avait décidé de rester quelques heures de plus en dehors de ce foyer qui s’apparentait plus à une prison pour profiter de la ville qui se réveillait doucement. Cela faisait quelques temps déjà que le jeune Caestecker avait commencé à se perdre au cœur de la nuit. S’enfonçant de plus en plus loin dans les ténèbres, le jeune étudiant avait découvert une liberté qui lui avait été prohibée jusqu’alors. Quand, par le passé, il observait l’aurore se lever de l’autre côté de la fenêtre de sa chambre, désormais la ville et ses rues ressemblaient à un empire sur lequel il suffisait d’un rien pour régner. Roi de rien, fils de personne, Godric avait pris goût à cette anonymat dans lequel les membres du gang lui permettait se plonger. Il n’était plus un Caestecker, il n’était plus le fils de personne. Il n’était rien d’autre que Godric. Godric et rien de plus. Comme un poids en moins sur le cœur, le brun s’était défait des chaines en or que ses parents lui avaient nouées autour des poignets, gravé sur l’auriculaire sans rien demander. Plus il goûtait à la liberté, plus le gamin oppressé qu’il avait été semblait s’épanouir différemment. Sortant le paquet de cigarette que quelqu’un lui avait légué sans rien demander, Godric alluma une allumette avant de tirer quelques taffes de nicotines. Rangeant ses affaires dans ses poches, il augmenta le son de son baladeur se mettant à fredonner les paroles de la chanson Fast Car qu’il connaissait par cœur. Les yeux clos, une clope entre les lèvres, le brun dansait seul au milieu de la route sur un air que lui seul pouvait entendre. Le cœur léger, roi d’un monde qui savait à peine qu’il existait, le garçon goûtait à quelque chose de simple, quelque chose de bon. Le son des klaxons arracha le brun à sa transe, poussant ce dernier à rejoindre le trottoir sous les jurons du conducteur qui ne se doutait pas que sous la veste en cuir, les vêtements chiffonnés se trouvait un fils de bonne famille. Personne ne connaissait pas le Caestecker de près aurait pu s’imaginer qu’il s’agissait de lui, un sourire aux lèvres, une clope au bec, il semblait sortir d’un de ces vieux films avec sa démarche impétueuse. Bien loin de l’image effacée qu’il renvoyait en permanence, toujours à l’étroit dans des costumes trop grand pour lui, Godric avait toujours l’air perdu. Cependant, à cet instant, bien au contraire, il semblait dans son élément. A croire que Godric avait laissé place à une autre personne, un autre garçon. A croire que le Rookie avait pris toute la place, effaçant petit à petit le fils de bonne famille aux manières dépassées qui n’osait pas dire un mot plus haut que l’autre. Passant une main dans ses cheveux, il se rendait tristement à compte du choc des cultures auquel il faisait face en arrivant à Holmby Hills. Lui qui avait passé sa vie dans ce quartier était témoins de la manière dont quelques vêtements, un sourire un peu trop narquois et une démarche assurée le rendaient étranger à l’endroit. Se pressant vers sa maison, Godric, malgré l’adrénaline brulant ses veines à cause de l’excitation, ne voulait pas se faire attraper dans pareille tenue. Il savait le savon qu’on allait lui passer et les problèmes dans lesquels il allait se mettre si quelqu’un le voyait. Toutefois, lorsque ses yeux se posèrent sur celui qu’il considérait comme un frère, le brun se résigna à ne pas rentrer tout de suite. Mettre en jeu sa situation encore assez confortable afin de pouvoir parler à Cloud ce dont il n’avait plus eu le luxe depuis une semaine ou deux déjà. Posant ses yeux sur l’enfant du jour, il retira son casque avant de jeter son mégot de clope. « Hey Cloud, attends ! » Ayant attiré l’attention de l’adolescent, Godric lui offrit un léger sourire avant d’avancer en sa direction. Après avoir traversé la rue, le brun ne pu s’empêcher d’ébouriffer la tignasse du Lloyd à l’image d’un grand frère s’amusant à taquiner son cadet. Même s’il tentait d’ignorer toutes les réflexions qu’il avait eu ces derniers jours au sujet de son ami rejoignant le camp d’en face, il pouvait sentir le nœud se nouer dans sa gorge. Néanmoins, le plus vieux des deux tentant de sourire en ignorant l’impression désagréable que sans son cadet à ses côtés il n’avait pas le pouvoir de veiller sur ce dernier. « Ca fait longtemps qu’on s’est pas vu, tu vas en cours là où t’as du temps devant toi ? »