Je me souviens juste qu'il faisait froid. Parce que dehors, il y avait des flocons de neige collés aux carreaux de ma fenêtre de chambre. Avec Caspar on avait inventé ce jeu ou le premier à entendre des cris doit aller se cacher et le premier à sortir doit trouver l'autre pour le rassurer. La plus part du temps, il gagnait et ce malgré son plus jeune âge. On se cachait toujours aux même endroits à force. Lui dans le grenier puisqu'un petit passage donnait sur sa chambre et que c'était plus rapide pour lui de monter en haut. Quand à moi, j'allais dans mon placard, je regardais la nuit (c'était souvent le soir que ça se passait) à travers une fenêtre se trouvant dedans (étrange mais tellement agréable pour réfléchir) et je me bouchais les oreilles. C'est surement pour ça que je perdais tout le temps d'ailleurs. Mais ce soir là, ce ne fût pas le cas. Par la fenêtre j'ai vu maman partir en furie de la maison et traverser sans faire attention. J'ai aussi vu une voiture n'arrivant pas à freiner à cause de la neige. Le bruit fut sourd et discret quand à la vision que j'avais de la scène, elle est parfaitement claire dans ma tête. Une tache rouge de sang sur une route blanche enneigée. Je suis tout de suite montée à l'étage voir mon frère par le passage secret de sa chambre comme il l'appelle et je l'ai pris dans mes bras.

On la connait tous cette histoire de la fille qui a pas toujours vécu des choses sympa dans la vie alors pour se faire entendre elle fait n'importe quoi. Pourtant, je suis studieuse, je gribouille parfois pendant les cours mais ça ne m'empêche pas d'avoir d'excellentes notes. J'ai un petit travail aussi histoire de gagner un peu d'argent. Quand on a besoin de moi, je suis là. Chaque soir quand mon frère rentre de ses répètes et que mon père rentre du travail, j'ai eu le temps de préparer à manger et de mettre la table. Pour certain, j'essaye de remplacer ma mère et pour d'autre, je suis simplement une fille gentille. Ma mère, j'ai jamais voulu lui ressembler. Quelques années après son décès, mon père nous a avoué qu'elle se droguait et que les disputes chaque soir c'était pour ça. A partir de ce moment là, j'ai décidé qu'être moi aussi une ratée, il le méritait pas. Caspar non plus d'ailleurs. Alors oui, je fais souvent passer les autres avant moi mais c'est un sentiment tellement plus agréable que si j'avais décidé de détruire ma vie, jour après jour, en enchaînant les conneries.

La fille qui tombe bêtement amoureuse d'un gars absolument pas fait pour elle. C'est tellement typique que ça en devient pitoyable à force. Ce délire que les filles ont à préférer les "bad boy" alors que y'a tellement de mecs biens sur terre. Croyez moi, je me suis détestée. Mais croiser son regard ce soir là au Diner m'a donné des frissons. J'ai mit ça sur le dos de l'air conditionné et puis j'ai continué mon service. Mais quand je suis sortie à la fin de mon service, il était là à m'attendre devant ma voiture. J'ai même pas eu peur. Je l'ai laissé monter à côté de moi et faire la route en ma compagnie dans un silence des plus troublants. Quand je suis arrivée à la maison, on s'est regardés et puis embrassés. Toujours sans un mot. Le lendemain soir, il est revenu. Bien sur on a fini par se parler et j'ai pu découvrir des choses sur lui. Notamment qu'on n'avait rien en commun, qu'il faisait partie d'un gang que mon père traque chaque jour depuis des années au travail. Mais je sais pas pourquoi, pour la première fois être dans l'interdit c'est tellement plus intéressant. Pour la première fois, je vis pour moi et je crois qu'en fin de compte, c'est ce qui me manquait.